L’art des femmes, « WOMAN » @BOZAR – Bruxelles
Tous les deux ans, BOZAR Expo en partenariat avec 35 autres institutions organise la biennale the Summer of Photography à Bruxelles. Expo phare de cette 5ème édition consacrée à la thématique du genre : “Woman, The Feminist Avant-garde of the 1970s” au Palais des Beaux-Arts (BOZAR).
Cette exposition nous présente 29 artistes-femmes en 450 photographies,
toutes acquisitions de la compagnie électrique
autrichienne Verbund AG qui a choisi depuis 10 ans l’avant-garde féministe comme
thème central de sa collection. C’est donc tout naturellement qu’il a été
demandé à Gabriel Schor, Directrice de celle-ci, d’assumer la curatelle de
cette grande rétrospective.
Arts mineurs dans les années 70, c’est pourtant vers la photographie et
la vidéo que ces artistes vont se tourner. Peu onéreuses dans leur conception, instantanées
et rapides dans leur exécution, ces pratiques artistiques semblent se prêter
parfaitement à tous leurs défis, aux exigences
et à l’urgence de leurs combats et de leurs performances.
Elles s’installent un labo photo chez elles avec les moyens du bord - une
salle de bain, une cuisine font parfois l’affaire – s’accaparent tout
espace extérieur ou intérieur et se photographient, le plus souvent seules. Nullement
destinés à être exposés dans un musée ou une galerie mais bien à être publiés
dans la presse, ces clichés sont le plus souvent une trace, une archive d’une
performance.
Comme le disait très justement Anne Tronche, critique d’art
contemporain, à propos de Gina Pane
lors d’une conférence
organisée au Centre Pompidou en 2005, « Ces expériences ont pour
principal objectif d’associer l’art à
l’action, de dématérialiser l’œuvre au profit d’un événement éphémère dont
l’enregistrement photographique va être la mémoire. »
A l’époque ces femmes prennent leur place dans un monde artistique
dominé par les hommes. Pour se libérer de leur joug, ces femmes-ci ont choisi
l’exposition publique, fut-elle ultra violence. Parties à la découvertes de
leur corps, elles l’ont utilisé comme matière première, l’ont transformé,
métamorphosé, violenté, déguisé. Et par ce corps, elles se sont interrogées sur
leur rôle dans la société et ont revendiqué leur place comme être humain et non
plus simplement comme sujet de désir ou un objet. Une première, qui trouve ses
origines dans les années 70.
Radicales et justes dans leurs approches, elles ont déconstruit une
image de la femme composée au cours des siècles par l’imagerie et les canons de
beauté fantasmés par le genre masculin. Les femmes revendiquent désormais la
responsabilité de leur propre corps.
Place est faite à un art de l’image de la femme créé par la femme.
Et
cette exposition commence tout en force avec cette capture vidéo extraite d’une
performance de Valie Export. En 1968, l’artiste revêt une boîte métallique et
se positionne dans des parcs fréquentés où elle autorise des passants à lui
toucher les seins pendant une demi-minute. C’est radical, efficace et çà
choque, d’autant plus que la plupart de ces artistes sont leur propre modèle. Comme sur
cette photo de 1979, où elle se fait photographier dans un cinéma porno, prenant la pose avec un pantalon décousu et
voilà les hommes confrontés avec leur propre voyeurisme.
VALIE EXPORT
Aktionshose: Genitalpanik,
1969
Silkscreen print
© VALIE EXPORT /
Bildrecht, Vienna 2014 / Courtesy of Galerie Charim, Vienna / SAMMLUNG
VERBUND, Vienna
|
La New-Yorkaise Hannah Wilke pose la question de la sexualité et de sa
représentation. Délibérément provocatrice, elle sculpte des chewing gums en forme
de sexe féminin et les pose sur son corps.
Dans un autre ensemble elle exécute
un strip-tease en 20 poses, commençant en Marie Madeleine pour finir en Jésus
Christ. Jusqu’à sa mort en 1993, cette américaine a joué avec son corps et son
image de très jolie femme tentant de déconstruire cette beauté, en lui faisant
violence.
Hannah Wilke
Super-T-Art, 1974-1991
Black-and-white
photograph (from a series of 20)
© Bildrecht, Vienna 2014/ Courtesy of Ronald Feldman Fine Arts, New York
/ SAMMLUNG VERBUND, Vienna
|
Hannah Wilke
Super-T-Art,
1974-1991
Black-and-white
photograph (from a series of 20)
© Bildrecht, Vienna 2014/ Courtesy of Ronald Feldman Fine Arts, New York
/ SAMMLUNG VERBUND, Vienna
|
Et voici Alexis Hunter.
Sur cette photo, elle exécute un effeuillement
inversé, ôtant sa jupe pour se couvrir le haut du corps, dévoilant ainsi ses
jambes, objet de convoitise masculine.
Dans son 'Portrait du Roi", Eleanor Antin s’affuble d’une barbe et questionne avant l’heure la nature du genre.
Dans son 'Portrait du Roi", Eleanor Antin s’affuble d’une barbe et questionne avant l’heure la nature du genre.
Alexis Hunter
Approach to Fear: Voyeurism,
1973
© SABAM Belgium
2014 / Courtesy of Richard Saltoun, London / SAMMLUNG VERBUND , Vienna
|
Eleanor Antin
Portrait of the King,
1972
Black-and-white photograph,
mounted on board
© Eleanor Antin /
Courtesy of Ronald Feldman Fine Arts, New York / SAMMLUNG VERBUND, Vienna
|
Avec humour, ces femmes se moquent des rôles traditionnels qu’on leur
prête. Comme, en 1975, l’Autrichienne Birgit Jürgenssen qui se photographie en cuisinière.
Penny Slinger
Wedding Invitation – 2 (Art is Just a Piece of
Cake), 1973
Black-and-white
photograph
© Penny Slinger / Courtesy of Gallery Broadway
1602, New York / SAMMLUNG VERBUND, Vienna
|
Ou cette artiste cubaine Ana Mendieta qui s’amuse à déformer son visage sur une
plaque de plexiglas.
Ana Mendieta
Untitled (Glass on
Body Imprints), 1972/1997
Color photograph
(from a series of 6)
© The Estate Ana
Mendieta / Courtesy of Galerie Lelong, New York / SAMMLUNG VERBUND, Vienna
|
Moment émouvant face au travail de l’américaine Francesca Woodman à qui
deux salles entières sont consacrées. A 13 ans, elle réalise son premier autoportrait.
A 23 ans, son dernier, quelques jours avant son suicide. Tour à tour nue, là se
fondant dans le décor, elle s’interroge sur sa propre condition et nous laisse
trace d’une photographie empreinte d’une grande sensibilité poétique. Elle est
une des artistes majeures de cette avant-garde féminine.
Francesca Woodman
Self Portrait Talking
to Vince, 1975–78
Black-and-white
gelatin silver print on barite paper
© George and Betty Woodman, New York / SAMMLUNG VERBUND, Vienna
|
En tout, ce sont pas moins de 29 femmes-artistes dont le travail est à
découvrir ici. Leurs propositions demandent
que vous vous posiez simplement devant elles pour comprendre à quel
point elles sont encore percutantes et dérangeantes aujourd’hui.
Ce sont pourtant ces femmes qu’il faut remercier. Leur cheminement
patient, vif, brutal, douloureux, violent a ouvert la voie aux artistes
d’aujourd’hui..tant homme que femme…et après tout que nous importe le genre.
Leur histoire continue. Pensons notamment au combat du groupe punk-rock russe PussyRiot
.
WOMAN est la synthèse sublime de ces femmes combattantes qui ont osé
prendre tous les risques et d’artistes majeures qui ont su mettre leur talent
et leur créativité au service de leur cause.
Cette exposition m’a ouvert les yeux sur un courant artistique des
années 70 que je ne connaissais pas encore… je vous souhaite le même plaisir
quand vous la découvrirez vous-mêmes.
Suivez-nous sur Facebook
Suivez-nous sur Facebook
Ulrike Rosenbach
Art
is a Criminal Action No. 4, 1969/70
b/w photograph
© Ulrike Rosenbach / Bildrecht, Vienna 2014 / SAMMLUNG
VERBUND, Vienna
|
Helena Almeida
Estudo para dois espaços / Study for Two
Spaces, 1977
Black-and-white
photograph
© Helena Almeida / SAMMLUNG VERBUND, Vienna
|
Annegret Soltau
Selbst (Self), 1975
14 b/w photographs, yarn on paper
©
Annegret Soltau / Courtesy of Institut Mathildenhöhe, Darmstadt / SAMMLUNG
VERBUND, Vienna
|
Illustration d'entête :
Birgit Jürgenssen - FRAU (WOMAN), 1972 - Black-and-white
photograph, overdrawn
© Estate of Birgit Jürgenssen / Courtesy of Galerie Hubert Winter,
Vienna / SAMMLUNG VERBUND, Vienna
0 commentaires